Titre : Un vent de cendres
Auteur : Sandrine Collette
Éditeur : Éditions Denoël
Date de publication : 2014
Pages : 261
* Il existe des temps suspendus, ces temps d'un autre monde qui précèdent les tempêtes et dont, si nous n'étions pas fous, nou snous garderions avec prudence. Ces instants et ces heures qui endorment toute méfiance, qui nous font croire à la possibilité de faire table rase du passé, de tout recommencer ; ces temps de mensonge. *
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Des années plus tôt, un accident l'a défiguré. Depuis, il vit reclus dans sa grande maison. Jusqu'au jour où surgit Camille...
Malo a un mauvais pressentiment. Depuis leur arrivée au domaine de Vaux pour faire les vendanges, Octace, le maître des lieux, regarde sa sœur Camille d'un œil insistant. Le jeune homme voudrait quitter l'endroit au plus vite, partir loin de cette angoisse qui ne le lâche plus.
Camille trouve ses inquiétudes ridicules, mais Malo n'en démord pas. L'étrange fascination d'Octave pour Camille, pour ses cheveux d'un blond presque blanc, le met mal à l'aise. Camille, elle, oscille entre attirance et répulsion envers cet homme autrefois séduisant, au visage lacéré par une vieille blessure.
Ils se disputent et, le troisième jour, Malo n'est plus là. Personne ne semble s'en soucier, hormis Camille qui veut retrouver son frère à tout prix.
Mais leur reste-t-il une chance de sortir vivants de ce domaine ou le piège est-il déjà refermé ?
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* Depuis dix ans, les murs de la grande chambre se referment sur lui, de plus en plus près, de plus en plus serrés. Parfois, il doit tendre le bras devant lui pour les repousser ; c'est ainsi qu'il s'explique les micro-fractures qui lui soudent les doigts peu à peu, à force d'obliger les murs à reculer, coups et imprécations mêlés. La nuit, ils reviennent inlassablement. La guerre n'en finira jamais entre eux et lui.
Les murs se referment et il les laisse s'approcher, parfois jusqu'à le frôler, parfois si proches que, la tête bloquée sur le côté, il ne peut plus la redresser. Il est là comme entre deux plaques qui lui appuient sur la poitrine et dans le dos, et l'opressent, l'étouffent. Même l'air se raréfie. Les mains plaquées contre les cloisons, il sent craquer les premiers cartilages. Alors il s'arque, se rebelle, les écarte en vacillant sous l'effort. Il se réveille en criant. *
Un vent de cendres est un roman qui procure des sensations fortes. Après un avis quelque peu mitigé sur le premier roman de Sandrine Collette, me voici obligée de réviser mon jugement ; peut-être est-ce dû au cadre dans lequel se déroule l’intrigue, peut-être aux personnages, au encore au final fracassant. Toujours est-il que ce deuxième roman m’a tenue en haleine jusqu’à la dernière page et que je ne suis pas prête d’oublier les surprises qui m’ont été réservées lors de ma lecture.
Tout commence lorsque Malo et sa sœur Camille arrivent en Champagne pour participer aux vendanges. Le domaine sur lequel ils travaillent appartient à deux hommes étranges et inquiétants, Octave et Andreas, qui ont été brisés par un accident survenu des années auparavant. S’installe une relation étrange entre Octave et Camille, relation qui ne plaît pas du tout à Malo et qui suscite les moqueries de leurs compagnons de travail. Au fil des jours, l’ambiance se fait plus tendue... et l’inévitable finit par se produire. Est-il encore temps d’échapper au piège qui se referme lentement ?
Les protagonistes de ce roman sont sans conteste une de ses grandes forces. Tous sont bien développés et attachants, ou intrigants : Camille et Malo, bien entendu, mais surtout Octave, cet homme défiguré qui ne sait plus vivre en compagnie des autres. Il y a aussi la présence de Laure, tel un spectre venu hanter les lieux et l’esprit des personnages. Des liens se font et se défont entre ces derniers, laissant présager une fin qui ne sera pas forcément heureuse.
Sandrine Collette prépare bien le terrain : dans les premières pages, nous découvrons l’univers des vendanges : il nous paraissait accueillant au premier abord, mais se révèle bien vite oppressant. Petit à petit, le domaine se fait plus hostile, imperceptiblement, et des indices nous indiquent que quelque chose de dangereux menace les protagonistes. Bien que réparties en neuf jours, les différentes parties du livre sont assez inégales, tant du point de vue de l’action que de l’information transmise.
Quiconque aura lu la quatrième de couverture saura à quoi s’attendre et j’ai trouvé dommage qu’autant de détails concernant le déroulement de l’histoire aient été dévoilés. Nous connaissons donc déjà une bonne partie de l’intrigue, car la mise en place est plutôt lente, et je pense que certains lecteurs reprocheront à l’auteur quelques longueurs dans la partie centrale. Cependant, elles me paraissent nécessaires pour que l’atmosphère soit « juste » et puisse à ce point jouer avec nos peurs.
Vous l’aurez compris, le suspense n’est pas au centre du roman. Cette impression est peut-être due au trop grand nombre de détails dans le résumé et j’ai eu l’impression – sans vouloir gâcher le suspense – de souvent deviner les évènements avant qu’ils ne se produisent... Et pourtant ! La fin surprendra sans aucun doute la plupart des lecteurs. Bien malin serait celui capable de soupçonner l’horreur de cette affaire. Même plusieurs minutes après avoir refermé le livre, j’ai eu du mal à digérer. Le contraste avec le début est flagrant, et il suffit de quelques lignes pour que les pièces du puzzle s’emboîtent.
Des nœuds d’acier m’avait dérangé pour sa violence, une violence crue qui se retrouve dans Un vent de cendres, mais de manière beaucoup plus subtile, implicite, presque. Il n’y a pas beaucoup de scènes de violence, pourtant, on se sent oppressé dès l’arrivée de Malo et Camille au domaine. Je dirais sans hésiter que ce deuxième roman m’a plus marquée, plus entraînée que le premier... peut-être parce que c’est moins le mal qui se cache dans le quotidien, mais plutôt une série de malheurs qui conduit à une véritable stratégie. Cela rend la psychologie des personnages d’autant plus intéressante que l’on a l’impression de pouvoir les comprendre. Et même si on voudrait en détester certains, on n’y parvient pas.
Un vent de cendres est un très bon roman, tant du point de vue de l’intrigue que de l’écriture. Sandrine Collette fait montre de son talent pour créer une atmosphère réussie, des descriptions vivantes – surtout celles des courses-poursuites – et une intrigue terrifiant. Je recommande ce livre à tous les amateurs du thriller psychologique ainsi qu’à ceux qui apprécient des bons romans policiers, sachant toutefois qu’ils pourraient y trouver quelques longueurs.
Je termine en remerciant Babelio pour l’organisation des Masses Critiques, et les Éditions Denoël pour leur confiance. Un merci particulier à l’auteur également, qui m’a fait vivre des émotions fortes avec ce roman. Vivement le prochain !