[FR] La femme à 1000° - Hallgrímur Helgason


Titre : La femme à 1000°
Auteur : Hallgrímur Helgason
Titre original : Konan við 1000° (islandais)
Traducteur : Jean-Christophe Salaü
Éditeur : Presses de la Cité
Date de publication : 2011 (août 2013 pour la traduction française)
Pages : 633
 

* Nous, les Islandais, portons un trésor en bouche, trésor qui nous a façonnés plus que toute autre chose. Au moins, nous ne gaspillons pas les mots dans le superficiel. Le problème de la langue islandaise est qu'elle est bien trop grande pour une société si petite. Jai lu sur Internet qu'elle contient six cent mille mots et plus de cinq millions de déclinaisons possibles. Elle est plus développée que le pays lui-même. *
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Condamnée à vivre dans un garage avec pour seule compagnie son ordinateur portable, une provision de cigarettes et une grenade datant de la fin de la Seconde Guerre mondiale, une octogénaire islandaise atteinte d'un cancer en phase terminale revient sur sa vie en attendant la mort. Car Herra, comme on l'appelle, a beaucoup de choses à raconter. Petite-fille du premier président d'Islande, fille d'une paysanne et du seul nazi islandais avéré, elle a, au fil de son existence mouvementée, vécu la guerre et l'exil, connu beaucoup d'hommes, parfois célèbres, et vu la mort, de bien trop près. Avant de s'envoyer en l'air pour de bon, elle passe en revue son passé et celui de son pays, l'occasion pour elle de régler au passage quelques comptes.

Dans ce roman inclassable et truculent qui, à la manière d'un collage, alterne humour, cynisme, tendresse, absurde, poésie et noirceur, Hallgrímur Helgason fait preuve d'une inventivité linguistique époustouflante. La Femme à 1000° navigue entre légèreté et profondeur au gré du récité de l'irrévérencieuse Herra, dont l'histoire est à l'image de celle de l'Islande, sa patrie, et de celle de l'Europe: mouvementée, sanglante et tragique.



“Herbjörg María Björnsson. Un nom imprononçable que vous n’êtes pas près d’oublier. » Cette phrase, présente sur la quatrième de couverture, peut paraître quelque peu prétentieuse, mais elle résume finalement très bien l’impression générale se dégageant de La femme à 1000°
Au fil de courts chapitres, nous voyageons entre le présent d’Herbjörg María Björnsson, surnommée Herra, et son passé. Avec elle, nous voyageons à travers l’Islande, le Danemark, l’Allemagne, la France et l’Argentine ; nous vivons la Seconde Guerre Mondiale, l’indépendance de l’Islande ; nous rencontrons des personnalités comme John Lennon, Evita, Marlene Dietrich ou Jean-Paul Sartres. 
Vous l’aurez compris, les quelques 600 pages de La femme à 1000° sont emplies d’évènements d’importance capitale pour l’histoire, de réflexions sur une société en pleine mutation et d’anecdotes riches en détails, ce qui n’en fait pas une lecture facile. Les références historiques sont très nombreuses, tout comme les citations et allusions littéraires, et quelques connaissances préalables sur l’Islande et sa culture se révèlent utiles à la compréhension globale. 
Hallgrímur Helgason se sert en réalité d’Herra pour se pencher sur l’histoire de l’Islande. De la pauvreté des îles et de la campagne aux salons de luxe de la résidence présidentielle, un aperçu foisonnant de la société et de son évolution s’offre au lecteur – la beauté des paysages, le silence des habitants, le viol des femmes et leur condition... Le tout sur un ton incisif, empreint d’humour et d’ironie, en alternance avec un style plus gave et objectif. 
Pourtant, loin d’être réduit à une simple technique narrative, le personnage principal ne passe pas au second plan. Au fil des événements qui ont marqué son existence et la vie d’une nation entière, nous découvrons une personne haute en couleur et au caractère fort, à laquelle nous nous attachons sans même nous en rendre compte. Sans longues descriptions, l’auteur nous fait peu à peu à faire connaissance avec cette femme pleine de contradictions qui, après une vie aux quatre coins du monde entourée de personnages plus intéressants les uns que les autres, se retrouve seule dans son garage en compagnie de son ordinateur et de sa connexion Internet. Une femme, donc, qui malgré son cancer, suit l’air du temps et s’adapte à la société actuelle. 
Constamment, nous passons du présent au passé avant de revenir au présent, ce qui est tout d’abord difficile à suivre. Les souvenirs eux-mêmes ne s’enchainent pas toujours dans l’ordre chronologique, mais comme la date est indiquée à chaque fois, on s’habitue vite à ce calendrier quelque peu fantaisiste. Plus encore, cette apparente confusion semble traduire le fil de pensée de l’héroïne, ajoutant une dimension de réalisme à l’histoire. 
Le style de l’auteur est, tout comme le roman lui-même, plutôt surprenant. Le vocabulaire est recherché et de nombreux néologismes et inventions donnent de la profondeur aux phrases, tout comme les jeux de mots et double sens qui démontrent que la traduction est exemplaire. En résulte une impression de richesse et une abondance de détails qu’il n’est néanmoins pas toujours facile de suivre. 
Pour conclure, La femme à 1000° est un roman à la fois intéressant et surprenant, que je recommande à un public intéressé par l’histoire et amateur de belle plume. Ce n’est toutefois clairement pas une lecture facile ; ne vous attendez donc pas à le lire d’une traite, mais profitez des courts chapitres pour l’apprécier peu à peu et découvrir la culture islandaise si particulière. 
Je remercie Babelio pour l’organisation de cette masse critique, ainsi que les éditions Presse de la Cité, sans qui je n’aurais sans doute jamais découvert ce roman inattendu et entraînant.

 
Livre reçu dans le cadre des Masse critiques de Babelio





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