Auteur : Inti Salas Rossenbach
Éditeur : La Découvrance
Date de publication : 2013
Pages : 254
* Loin de chez soi, l'intérêt que l'on porte aux choses, souvent nouvelles, est accru : on prend le large pour suivre et nourrir cet intérêt. Cette recherche est donc en partie volontaire, consciente. Mais la sensibilité aux choses dont nous faisons preuve en voyage est aussi liée à l'unicité des moments vécus et à la disparition des illusions de la routine. *
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Sur ces eaux rudes, contre les vents, contre la pluie et le froid, avec la solitude et les doutes pour compagnes, ils n’étaient que deux, en kayak et en autonomie. Il en a ramené l’impression d’être encore trempé, et une histoire.
Il a voulu qu’elle soit entière, cette histoire. Qu’elle embarque tout ce qui a vécu en lui et autour de lui, au-delà de la seule narration des péripéties d’une expédition. L’histoire des contrées qu’ils ont parcourues, et celle des Amérindiens qui les peuplaient ; ses sensations, parfois déroutantes ; la mise en perspective de tout le vaste monde dont il s’était éloigné ; les imprévisibles rencontres que seul offre le grand Sud ; les souvenirs – réels ? – d’une femme qui hanta son esprit comme les tempêtes obscurcissaient le ciel… autant d’îles qui, peu à peu, ont dessiné l’archipel qu’est devenu le roman de son voyage.
* Les archipels de Patagonie forment un désert de terre, en ce sens que l'épaisse forêt primaire occupe tout l'espace jusqu'à la mer - il n'y a littéralement pas de terre libre - et parce que partout ailleurs, il n'y a que de l'eau. Mais si c'est un désert de terre, c'est un désert connu et parcouru par ces hospitaliers coureurs de canaux. Je porte avec nostalgie l'empreinte de l'accolade de Frio qui me dit au revoir, adieu, en me demandant pourquoi nous partions ; je porte avec chaleur les chaussettes en laine de Chiloé que m'offrit Chamberley, je porte les mots de Chino : C'est la première et dernière fois qu'on se voit, et c'est bien. Je sui fier de les avoir côtoyés en mer. Depuis, lorsque je regarde une carte de cette immense mosaïque d'îles, de fjords et de canaux du sud-ouest de l'Amérique, je vois ces sacrés faiseurs de sillages.*
Il a voulu qu’elle soit entière, cette histoire. Qu’elle embarque tout ce qui a vécu en lui et autour de lui, au-delà de la seule narration des péripéties d’une expédition. L’histoire des contrées qu’ils ont parcourues, et celle des Amérindiens qui les peuplaient ; ses sensations, parfois déroutantes ; la mise en perspective de tout le vaste monde dont il s’était éloigné ; les imprévisibles rencontres que seul offre le grand Sud ; les souvenirs – réels ? – d’une femme qui hanta son esprit comme les tempêtes obscurcissaient le ciel… autant d’îles qui, peu à peu, ont dessiné l’archipel qu’est devenu le roman de son voyage.
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* Les archipels de Patagonie forment un désert de terre, en ce sens que l'épaisse forêt primaire occupe tout l'espace jusqu'à la mer - il n'y a littéralement pas de terre libre - et parce que partout ailleurs, il n'y a que de l'eau. Mais si c'est un désert de terre, c'est un désert connu et parcouru par ces hospitaliers coureurs de canaux. Je porte avec nostalgie l'empreinte de l'accolade de Frio qui me dit au revoir, adieu, en me demandant pourquoi nous partions ; je porte avec chaleur les chaussettes en laine de Chiloé que m'offrit Chamberley, je porte les mots de Chino : C'est la première et dernière fois qu'on se voit, et c'est bien. Je sui fier de les avoir côtoyés en mer. Depuis, lorsque je regarde une carte de cette immense mosaïque d'îles, de fjords et de canaux du sud-ouest de l'Amérique, je vois ces sacrés faiseurs de sillages.*
Qui n'a pas rêvé de partir à la découverte de terres inexplorées ? Comme beaucoup, Inti Salas Rossenbach nourrissait un tel projet ; cependant, contrairement à la plupart d'entre nous, il l'a réalisé : plus de trois mois en kayak sur les canaux de Patagonie avec son coéquipier Alexandre. Une telle expédition se prépare, comme nous le comprendrons dès les premières pages, car rien ne peut être laissé au hasard face aux dangers de l'extrême. C'est après deux ans d'organisation intense que le voyage a commencé et, malgré toutes les situations hypothétiques imaginées, personne n'est jamais à l'abri du danger.
Dans le sillage des deux hommes, nous partons à la découverte de la Patagonie, cette région si peu connue et peuplée de légendes et de mythes ; une terre inhospitalière, ou la mer règne en maître. Comme le titre l'indique, nous avons tout d'abord affaire à une odyssée. Nous découvrons la région à travers des descriptions très imagées : ses paysages, ses habitants et sa faune.
Ce livre est toutefois bien plus qu'un simple récit d'expédition. Aux différentes étapes décrites, aux difficultés rencontrées et aux endroits découverts se mêlent anecdotes personnelles, réflexions intimes et informations historiques. À mesure de l'avancée des deux explorateurs, nous avons l'impression d'apprendre à connaître cette terre encore inconnue. Nous voici rapidement immergés dans un univers totalement dépaysant, sur les traces des peuples qui y habitaient avant l'arrivée des espagnols.
Le récit n'est pas tout à fait chronologique, ce qui maintient une sorte de suspense. Bien que nous suivions les kayakistes du sud au nord, de nombreux retours en arrière nous sont offerts, ainsi qu'un premier chapitre éclatant décrivant « le début de la fin » de l'expédition. Cela brise une monotonie qui pourrait s'installer après quelques chapitres et m'a paru un choix extrêmement judicieux qui représente bien l'imprévu et les décisions à prendre lors d'une expédition de ce genre.
Le style est très agréable à la lecture, élégant et soigné, et contribue grandement à notre voyage. Des termes espagnols au vocabulaire de la navigation et des marins, c'est une image fidèle de la Patagonie qui nous est dépeinte – pour autant qu'on puisse en juger.
Au fil des pages, le lecteur ne pourra qu'admirer le courage de l'auteur et de son coéquipier, prêts à affronter de tels défis lors d'une expédition hors du commun. Je ne me suis jamais réellement identifiée à eux, mais j'ai eu l'impression de peu à peu découvrir leur extraordinaire quotidien et de partager quelques-unes de leurs aventures depuis une certaine distance qui me garantissait une sécurité agréable.
Les rencontres avec les habitants locaux constituent sans aucun doute un des points forts du roman. Que ce soient des marins, des villageois ou des citadins, tous se montrent extrêmement accueillants et nous donnent un petit aperçu de leur univers si différent du nôtre. Et, bien sûr, il y a la mystérieuse Laura qui accompagne l'auteur à mesure que les pages de son carnet se remplissent.
Une odyssée en Patagonie est un magnifique récit de voyage mêlant aventure, découverte de terres inexplorées et rencontres improbables ; un moyen pour le lecteur de découvrir des terres presque inexplorées tout en savourant la sécurité de son chez-soi ; un retour en arrière dans l'histoire d'une région si peu connue et peuplée de légendes… Avec ce livre magnifique, Inti Salas Rossenbach nous invite à monter à bord de son kayak pour participer à l'aventure.
Je remercie Babelio pour l'organisation des masses critiques, sans lesquelles je n'aurais probablement pas découvert ce livre.
Livre reçu dans le cadre des Masse critiques de Babelio